Pourquoi l'appropriation culturelle fait-elle mal ?

pulandevii, novembre 2021

L’appropriation culturelle, c’est tous les jours et non une fois par an, c’est à dire durant Halloween.

Comme vous l’avez compris, le premier sujet qui marque le lancement de cette NL est l’appropriation culturelle que je renomme « APC ».

La manière dont Halloween est célébrée de nos jours peut s'avérer sexiste, classiste, validiste, grossophobe, putophobe, psychophobe et raciste.

Cette “fête” s'attaque à tellement de cultures et en premier lieu à la culture mexicaine, en supposant que El Dia de los Muertos c'est une version mexicaine de Halloween.

Dans cette édition, je vous décortique les effets ressentis de l'appropriation culturelle qui vont bien au-delà de la colère. En y mêlant histoire,sociologie et psychologie interculturelle, cet écrit se veut être une voix parmi tant d’autres.

Avant de dive into THE CONVERSATION : Je souhaite dire que je n’ai pas de “haine” envers les personnes blanches , je ne fais pas de racisme anti blancs, je vous épargne déjà vos efforts pour m'expliquer ces concepts bien curieux. Je précise car ce sont des choses qui m’ont déjà été proférées.

Si vous êtes persuadé.es que le racisme antiblanc existe, alors je vous prie de vous désabonner car vous serez déçu.e.s de mes contenus.

L'appropriation culturelle, qu'est ce que c'est ?

Définition tirée du compte instagram des Spicydevis.

Pour compléter cette définition, nous pouvons également rajouter que l’APC c’est utiliser les codes spirituels, religieux, culturels afin de notamment combler un vide culturel ressenti chez soi.

La fétichisation et l’exotisation des cultures sont des facteurs qui entrent dans la compréhension.

C’est une définition qui pose encore des problèmes de compréhension pour plus d’un.e et c’est pour cela que je le vois comme un long processus rempli de construction sociales à déconstruire. L’APC est présente dans nos quotidiens et on a tendance à l’oublier. Elle se retrouve dans des gestes anodins tels que l’usage du café, du cacao, du thé…

Tout ça pour vous dire que l’APC a toujours existé et que c’est loin d’être une tendance. Les racines s’inscrivent autant dans les échanges commerciaux que dans la colonisation.

Bien que l’appropriation culturelle ne soit pas mon sujet préféré, c’est malheureusement un aspect que je vois partout, que ce soit dans ma rue avec je ne sais combien de studios de yoga, soit sur Instagram avec le ciblage publicitaire.

Souvent ces publicités arrivent après m'être exprimée sur le sujet, j’en ressors avec tout plein de colère mais aussi de la frustration, puis, paf la pub apparaît.

C’est le signal pour me déconnecter de l’application.

L’APC, est le sujet de conversation qui revient le plus souvent dans ma messagerie Instagram. Des personnes viennent sonner à ma porte pour me demander :

  • “Est ce que telle personne qui s’est mise au yoga, fait de l’appropriation culturelle ?”

  • “Est ce qu’une personne qui monétise une pratique culturelle qui ne lui appartient pas, fait de l’appropriation culturelle ?”

  • “Est ce que le père blanc de mon amie qui s’est installé en Inde et qui donne des cours de yoga fait de l’appropriation culturelle?”

  • « La marque de cette femme utilise des bijoux religieux hindous et les revend à plus de 1000 euros, mais elle ne précise pas les origines, penses tu que c'est de l'appropriation culturelle ? »

C’est bizarre / drôle car les personnes viennent dans le doute, me demander mon avis, mon expertise là dessus car on manque cruellement de positionnements, témoignages, d’écrits, par rapport à l’APC surtout autour du yoga en France mais quand je partage mes avis, mes pensées que j’ai pris le soin de structurer, d’argumenter, tout cela gratuitement, ces mêmes personnes se braquent et me lancent leurs foudres…

Quelles sont donc ces manières ?!

Quand on est amené à se poser ce genre de question, la réponse est souvent oui.

Peut être qu’on a peur de se l’avouer et qu’on tente de se rassurer que : “Non cette personne n’est pas du tout en train de voler, ou s’approprier des pans de ma culture.”

C’est comme cela que j’ai lancé des sessions de conseils pour les créateur.rices de bijoux, textiles et autre formes d’entrepreneuriat qui se base/se fonde sur les cultures d’autrui. C’est donc un service payant, parce que si c’est pour se prendre la colère de mon interlocuteur.rice, autant recevoir une compensation pour l’énergie mentale déployée et la charge mentale subie. Pour avoir plus d'informations, vous pouvez prendre contact ici

Allons plus loin dans la discussion. Les cultures sont amenées/forcées à voyager dans le temps et au-delà des frontières. La colonisation et la mondialisation sont deux gros vecteurs de l’expansion de ces cultures. * et le fait que les cultures voyagent m’arrange aussi car c’est grâce à cela que je peux retrouver des produits Sud asiatiques dans des magasins, épiceries sans devoir me payer un billet A/R en Inde, surtout que les écolos nous mettent déjà assez la pression pour ne plus prendre l'avion.

Mais si les cultures voyagent dans le monde, pourquoi je cringe quand je vois ceci

A cause de la représentation non représentative.

Je vois plein de corps, quasiment similaires, et appartenant au groupe social des dominants dans le monde pour plusieurs raisons notamment: la couleur de peau, la corpulence, leur statut social…

Un univers exclusif, encore une fois, où je suis rejetée pour ce que je suis, pour ce que je sais et pour ce que je dis.

L’inclusion n’est pas une priorité, mais la sauvegarde de l’entre-soi, oui.

De base, les personnes grosses sont invisibilisées dans le monde, perçues comme non sportives, donc je vous laisse imaginer l’accueil dans le yoga et il en va de même pour les personnes vivant dans une situation de handicap visible ou pas.

Cette non représentation s’applique à n’importe quel business exploitant les cultures, la tendance est de mettre en lumière les créateur.ices mais très rarement l’histoire originelle sera expliquée.

Je ne préfère pas joindre des liens vers les boutiques de ces personnes, car ça me coûte émotionnellement et aucune envie de leur générer des vues. La liste est longue.

La facilité de monter en puissance

Au début, j'étais constamment dans la réaction, comme dans la réception d’une insulte, dans un inconfort, qui ressortait sous forme de colère. A aller réagir dans les dm des personnes, à me prendre la tête avec des personnes inconnues qui n’avaient absolument rien à faire de mes bons sentiments du type :

“Arrêtez de vous faire de l’argent sur des cultures qui ne vous appartiennent pas et sur des personnes vivant dans des situations de précarité par rapport à vous.”

Je répète dans ma tête, ce sont toujours les mêmes qui accèdent au “succès*”, pouvoir monter une entreprise, un business, avoir une large base de clients pour un service dont l’authenticité a été ôtée, de fait. Ce sont toujours les mêmes qui monétisent. Je le répète mais lorsqu’une personne montre une facette de sa culture (port d’un vêtement, manger un repas de chez soi, avoir un business ) , elle sera catégorisée de « cliché », ou de manque d’originalité.

*comme il est perçu dans notre société actuellement.

Quand j’ai commencé à explorer le principe de monétisation, je me suis rendue compte que nous pouvions avoir énormément de barrières culturelles, sociétales et psychologiques concernant le fait de faire de l’argent. Que ces barrières sont souvent à la hauteur de certains groupes en marge de la population mondiale mais que d’autres groupes s’en sont complètement affranchis.

If you know, you know.

L'entrepreneuriat peut s‘avérer difficile pour plusieurs raisons : l’absence de réseau, d’investisseurs, de pécule financier, de confiance en soi, de soutien, de rôles modèles … donc pour beaucoup de personnes, on part de loin.

A cause de la cueillette sélective de la pratique

Je ne me retrouve jamais dans le groupe ou dans le contenu exposé/enseigné par le/la professeur.e car je suis en décalage complet.

Ce décalage me vient du fait que cet aspect culturel, je l’ai toujours connu dans d’autres circonstances moins sexy, moins attrayantes et moins hype. J’ai comme un arrière goût, très amer, un déjà vu.

C’était tout simplement présent dans mon quotidien, ni plus ni moins.

J’ai toujours ressenti une immense gêne dans le peu de cours -de danse, de yoga -de méditation- que j’ai pu suivre en tant que seule indienne du groupe.

Dans mon enfance / adolescence, soit entre 1995 et 2005, j’ai été moquée pour avoir porté des vêtements traditionnels, pour avoir dit que mes plats préférés étaient indiens, pour avoir regardé des films indiens et pour plein d’autres habitudes en lien avec ma culture.

Fast forward, 10 ans plus tard, après avoir été amené à m’éloigner de toutes ces identités là, je découvre que pendant mon absence, ma culture est devenue cool, que ma culture a “glow up” que ma culture est validée.

Je déteste voir des cours labellisés yoga, quand cela s’apparente à des cours d’étirements sans l’historique culturel ou les noms des postures dans les langues originelles.

Mais qui l’a validée ?

Par des personnes qui ont le privilège de pouvoir choisir parmi tout un tas de culture, d’arborer fièrement des pans de ma culture que j’ai tenté de camoufler pendant bien 20 ans.

Par des personnes qui se sont déjà moquées de nos pratiques culturelles.

Par des personnes qui, elles, peuvent pratiquer des danses sans être taxées de communautarisme.

Par des personnes qui vous invitent à voyager.

Par des personnes qui écrasent volontairement l’autre.

Par des personnes qui sont fétichistes.

Par des personnes qui sont racistes.

Par des personnes dont la mauvaise foi est la langue maternelle.

Par des personnes qui veulent rendre un hommage, alors que personne ne leur a demandé quoi que ce soit.

A travers les discussions qui s’apparentent plus à des monologues parce que l’échange n’est clairement pas au rendez vous, j’ai pu remarquer des discours et des traits comportementaux qui reviennent :

L’attitude et la posture des personnes concernées par l’appropriation culturelle, chez qui ça se passe mal.

  • Une condescendance et un sentiment de supériorité accompagnent souvent ces personnes. Cela peut être soit frontal, entrer dans une colère monstre, exposer sa plus belle mauvaise foi, lorsque vous dénoncez le comportement problématique. Cela m’arrive systématiquement avec les professeures de Yoga.

  • Soit de manière subtile comme imposer son point de vue de sachant alors que personne ne vous l’a demandé.

  • La liberté de l’expression revient sur la table, comme si je leur interdisais quoi que ce soit. On est d’accord que je n’interdis rien ? Qui suis je ?

  • Le peu d’écoute, la fermeture d’esprit.

  • L’hypersensibilité

  • La mauvaise foi, again.

Je sais qu’il existent des personnes qui osent se confronter à leurs comportements sur l’APC et qu’elles ont envie de «bien faire ».

Connaissant les bienfaits du yoga depuis petite, comme la plupart des gens en Asie, ma ré-introduction à ce mode de vie m’a été brutale. Faire du « Yoga With Adriene » m'a rendue inconfortable, d’ailleurs j’ai jamais réussi à être constante. Même si elle est toute mignonne et nous veut du bien etc etc.

Quand je vois des personnes mal porter les vêtements traditionnels comme, j’ai le tourni. Et pourtant il y a tellement de manières de porter un sari, chaque région sud asiatique a sa manière de le porter.

D’ailleurs tous les vêtements sud asiatiques ne sont pas des saris.

Encore une fois, l’interdiction du port de tel ou tel vêtement n’est pas visée mais une observation du contexte dans lequel ce vêtement peut être porté.

Porterez vous un sari à un entretien d’embauche ? Moi j’aimerais bien.

Le sentiment profond est dur et il fait revivre des moments terribles

Ces ressentis aussi étranges soient-ils pour vous, ils existent bien. C’est clairement un fait qui doit être intégré maintenant. Alors bien sûr certaines personnes concernées racisées vous diront que ça ne les dérange pas.

Soit ce sont des personnes qui n’ont pas encore conscientisé donc elles ne voient pas le problème, soit elles ont conscientisé et ont choisi de ne plus se faire importuner par ces mauvaises ondes, mauvaises énergies que l’appropriation culturelle peut générer, soit elles font aussi de l’appropriation culturelle.

Les avis concernant l’APC restent isolés, très peu médiatisés car il est assez difficile d’en parler. Il en existe bel et bien, et vous pouvez lire des témoignages de personnes en colère, triste car c’est littéralement ce que ça produit en nous.

Ces témoignages sont des réflexions des membres du collectif @spicydevis.

Se retrouver en non mixité nous a permis de mettre les mots sur l’appropriation culturelle.

Je vais revenir sur ce sentiment bouleversant qui nous vient lorsque l’on voit des cas d’APC.

Cette colère sur laquelle tout le monde s’arrête car elle nous fait dire des choses sur un ton agressif, violent ou brutal, est tout d’abord l’expression d’une blessure, d’un traumatisme intergénérationnel et ancestral.

On ne réserve pas le même accueil aux personnes qu’à leurs pratiques culturelles. Pendant longtemps, la nourriture sud asiatique a été décrite de manière péjorative.

Elle sent fort, elle a une texture non attrayante, elle est piquante. Ces termes-là avaient déjà été prononcés par les premiers colons pour qui il a souvent fallu adapter, transformer, modifier les recettes indigènes. Pas assez ceci, pas assez cela. Ça n'allait jamais.

300 ans de colonisation après, c’est toujours la même chanson, mes parents ,arrivés fin des années 80, ont reçu le même type d’accueil et se sont vite forcés à rentrer dans le processus de l’assimilation. Et la boucle ne s’arrête donc pas car j’ai reçu le même cadeau, le choc culturel. C’est celui qui vient titiller mon identité et qui ne cesse de me remettre en question dans cette société. Celui que j’ai vécu est bien moins fort que celui de mes parents, car je suis née en France mais la transmission est tout de même passée. Mes parents sont très fiers de leur culture tamoule et j’ai pu observer des moments, dans mon adolescence, qui m’ont procuré de la honte lorsqu’elleux étaient tout simplement en train de se défendre.

Comme je le disais plus haut, j’ai longtemps été moquée pour montrer mon indianité. Être dans cette situation déclenche en vous cette double identité et cette sensation d'illégitimité dans aucune des deux cultures.

Pour les personnes nées en France, ce choc culturel se traduit par un conflit intrapsychique permanent. Nous vivons avec des contradictions en lien avec notre système de valeurs et croyances. Nous apprenons rapidement le code-switching. C’est le fait de supprimer multiples aspects de notre identité culturelle, comme les vêtements, la coiffure, la texture des cheveux, le teint du visage, le langage, le comportement.

Le code-switching d’adapter la présentation de soi de manière à effacer certains traits physiques comme la coiffure, ou comportementaux, le langage notamment.

Ressources pour aller plus loin

L’appropriation culturelle, en veux-tu en voilà.

You didn’t come this far to stop

woman in black panty kneeling on floor
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